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Santé économique et financière dans les pays occidentaux
8 mars 2014

FED, BoJ, BCE : à méthodes distinctes avenir contrasté

Comme on peut le constater au quotidien, les banques centrales jouent un grand rôle dans la gestion de la crise, de sorte qu'il est nécessaire de comprendre leurs moyens d'action, les limites, les avantages et les inconvénients de leurs interventions. La BCE d'une part, et la FED et la Bank of Japon (BoJ) d'autre part, utilisent des outils différents et le terme "planche à billets" ne peut s'appliquer réellement qu'à ces deux dernières.

Les effets visibles de la crise ont été considérablement ralentis grâce aux injections de liquidités dans le système financier, bien plus qu'on aurait pu le penser vu l'ampleur de la crise. Les banques centrales et au premier chef la FED, ont été des acteurs très importants dans cette lutte contre l'incendie en inondant le terrain pour éviter un nouveau départ de feu.

Les rôles habituels d'une banque centrale sont de faciliter les opérations interbancaires grâce à des prêts de court terme aux banques commerciales, de stocker leurs réserves, et enfin de réguler la masse monétaire en jouant sur les taux de refinancement pour encourager ou ralentir le crédit. Ce n'est qu'en cas de difficultés, par exemple lorsque les banques ne voulaient plus se prêter entre elles fin 2008 par manque de confiance, ou lorsqu'il faut à tout prix relancer l'économie, que des politiques monétaires "non conventionnelles" sont mise en place. C'est bien sûr le cas actuellement.

Ces politiques consistent à fournir de l'argent frais, soit aux banques commerciales lorsqu'elles sont en difficulté (en échanges de créances plus ou moins douteuses), soit indirectement à l'économie en achetant des obligations ou autres produits financiers. Cette injection d'argent créé ex-nihilo gonfle le bilan des banques centrales puisqu'en contrepartie elles reçoivent des créances des banques et de l' Etat.

Considérer l'évolution des différentes banques centrales cache des disparités de méthode, car la BCE n'utilise pas de QE à la mode anglo-saxonne.

Avec leur goût pour les expressions imagées, les américains ont repris la formulation de Ben Bernanke (qu'il a repris à Milton Fridman 21/11/2002) pour décrire la politique de la FED comme un hélicoptère qui jetterait des masses de billets sur les Etats-Unis. (il était surnommé Monsieur hélicoptère). C'est ce qu'on appelle la planche à billets qui reflète assez bien la politique de la FED ou plus récemment celle de la BoJ. Il s'agit d'une planche à billets indirecte, en effet , par ses opérations de QE (quantitative easing), la FED achète des bons du Trésor US, et l'argent issu de la vente de ces bons par l' Etat fédéral sert à financer les dépenses du gouvernement. Elle achète également des produits financiers adossés à des crédits immobiliers c'est-à-dire pour simplifier, elle prête de l'argent pour construire ou acheter des maisons.

Les montants sont énormes puisqu'ils s'élèvent à 540 Mds $ par an pour les Bons du Trésor et à 480 pour les titres immobiliers. Le déficit budgétaire du gouvernement des Etats-Unis étant de l'ordre de 1 100 Mds $ , la FED couvre donc la moitié de celui-ci et injecte en plus une somme équivalente dans le secteur immobilier. Avec de telles sommes, pas étonnant que l'immobilier ait stoppé sa chute ou que Fannie Mae puisse rembourser l' État fédéral : avec moins de 1 million de mises en chantier par an, on peut considérer que la FED apporte une subvention de 500 000 $ à chaque maison construite.

Si la BoJ pratique depuis peu la même politique que la FED, ce n'est pas le cas de la BCE. L' Allemagne ne l'autoriserait pas, notamment par crainte des risques inflationnistes que cette politique induit. Pour autant, la BCE soutient tout de même l'économie de plusieurs façons. La première ressemblerait à l'action de la FED et a pris fin en septembre 2012 : le programme SMP (Sécurities Markets Programme) a en effet consisté à l'achat de 210 Mds de bons du Trésor des pays en difficulté. Mais outre le montant bien plus faible, la grande différence avec le QE de la FED tient au fait que la liquidité émise lors de l'achat est détruite plus tard lors d'autres opérations, ce qui n'augmente la quantité de monnaie que sur un court terme.

Le successeur de ce programme nommé OMT (Outright Lonetary Transactions), est similaire mais impose de plus l'acceptation par le pays concerné de règles de bonne conduite, un peu comme pour une intervention du FMI. On notera que ce nouveau programme n'a pas encore été utilisé, mais sa seule existence a réduit la pression sur les pays en difficulté de la zone euro. Plus faible montant, stérilisation de l'argent créé : ces actions sont donc bien moins agressives que celles de la FED et ne s'apparentent pas à la planche à billets.

L'autre type d'action de la BCE est exclusivement en direction des banques commerciales. Il s'agit d'opération de LTRO (Long-term Refinancing Opération) qui sont des prêts aux banques commerciales. Ces prêts de "long terme" ont des durées de 3 mois, mais devant les circonstances exceptionnelles ils ont été allongés à 3 ans et leur montant a été élevé. Puisque ce sont des prêts aux banques en difficulté, l'argent créé est détruit lors du remboursement (si remboursement il y a !). On notera par ailleurs que cet argent ne sort pas du système bancaire et ne provoque pas de forte inflation.Lors des deuc grosses opérations de ce type en décembre 2011 et en février 2012 , le volume net des prêts consentis a été au total d'environ 500 Mds €.

On voit donc que la BCE utilise des moyens beaucoup plus conventionnels et moins risquéq que la FED ou la BoJ, ce qui peut expliquer une partie de la différence apparente de performance entre les économies des États-Unis et de la zone euro. On remarque que le bilan de la BCE a commencé à croître à partir de mi-2012 Néanmoins, en récupérant certaines créances douteuses des banques commerciales, la BCE court tout de même le risque de fragiliser son bilan, c'est pourquoi elle reste prudente sur l'utilisation de ces outils.

NOUVELLES BULLES, Nouveaux dangers

On voit bien les effets de la politique de QE dans le cas du Japon : en quelques mois, l'annonce de l'action de la BoJ a accentué énormément la baisse du yen et le but est de renouer avec l'inflation. Ce sont en effet les conséquences habituelles des QE. Pourtant elles ne se sont pas produites aux États-Unis pour plusieurs raisons : principalement baisse de la vitesse de circulation de la monnaie, privilège de la monnaie de référence qui offre une demande soutenue de dollars, banques commerciales préférant abriter leurs avoir àa la FED plutôt au'en faire profiter l'économie, et au final argent créé qui est resté dans le système financier plutôt que d'atteindre l"économie réelle.

Il serait tout de même pour le moins exagéré de prétendre qu'il n'y a eu aucun effet similaire au cas japonais.Aux États-Unis, l'afflux d'argent gratuit a gonflé une nouvelle bulle de crédit (et en particulier redressé les prix de l'immobilier) et mené les bourses à des niveaux record (l'argent de la FED a profité avant tout aux marchés financiers). En autorisant le Trésor a s'endetter à faible taux, la dette publique a explosé. Et aucun problème de l'économie n' été résolu ..!

En réalité l'économie américaine ne tient que grâce à l'action de la FED. C'est pourquoi celle-ci ne peut pas se permettre d'arrêter son soutien. Car sans lui il n'y aurait plus assez d'acheteur des bons du Trésor US aux taux actuels, qui devraient par conséquent remonter à des niveaux insoutenables. Sans lui, l'immobilier reprendrait sa descente aux enfers. Sans lui la bourse plongerait .

Ce ne sont donc que des événements extérieurs qui peuvent imposer à la FED d'arrêter sa politique. Une rechute en récession des États-Unis affaiblira le dollar comme en 2007/2008 et, si la baisse est trop forte, nécessitera un arrêt des politiques accommodantes pour redresser la monnaie : la grande peur des États-Unis est en effet que le dollar perde le statut de monnaie de référence et qu'ils doivent se soumettre aux mêmes règles que les autres, ce qui était sur le point de se passer en 2008 quand le monde entier commençait à douter de la solidité du dollar.

Ce prut être aussi la politique interne, avec un fort scepticisme à l'encontre de la politique de la FED, qui peut remettre en cause la planche à billets. Enfin la pression peut venir de la communauté internationale souhaitant réformer le système monétaire international (souhaitable), dans lequel une monnaie faible ne pourra pas jouer de rôle important : or en continuant sa politique une fois le dollar redevenu une monnaie normale comme une autre, la FED l'affaiblirait trop pour qu'il puisse prétendre conserver une place majeure.

Le soutien de la FED  est ainsi une drogue empêchant de voir les problèmes américains alors que ceux-ci s'amplifient et rendront la chute plus douloureuse encore. Il ne peut continuer indéfiniment sans mettre en péril l'économie américaine. Ce n'est qu'une question de temps avant qu'il n'y soit mis un terme, dans la douleur. La récession qui s'annonce et les discussions de plus en plus actives sur la réforme du système monétaire international, tous ces facteurs convergent pour annoncer la fin du QE en 2014 .

Extrait de LEAP/2020

 

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