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Santé économique et financière dans les pays occidentaux
22 novembre 2016

Poutine, de Munich (2007) à Valdai (2016)...(3)

Poutine et la crise des démocraties occidentales.....  à lire et relire

C'est incontestablement la véritable nouveauté de son discours lors du Forum de Valdai 2016, Vladimir Poutine fait une critique en règle du mode de fonctionnement politique des pays occidentaux, une critique qui raisonne aujourd'hui, après l'élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis, de manière prémonitoire. Car que dit-il ? Il commence en fait par faire un bilan des fonctionnements, ou plus précisément des dysfonctionnements politiques des pays occidentaux :

"Oui, formellement, les pays modernes ont tous les attributs de la démocratie. Élections,liberté d'expression, accès à l'information. Mais même dans les démocraties les plus avancées, la majorité des citoyens n'ont aucune influence réelle sur le processus politique et aucune influence directe et réelle sur le pouvoir Les gens sentent un écart toujours croissant entre leurs intérêts et la vision que l'élite développe de la seule trajectoire qu'elle considère comme correcte, une trajectoire que l'élite elle-même choisit. Il en résulte que les référendums et les élections créent de plus en plus de surprises pour les autorités. Les gens ne votent pas du tout comme les médias officiels et respectables leur ont conseillé, ni comme leur ont conseillé les principaux partis. Des mouvements publics qui, il y a peu de temps, étaient considérés comme trop à gauche ou trop à droite, occupent le devant de la scène poussent sur le côté les poids lourds politiques. Au début, ces résultats gênants ont hâtivement été déclarés des anomalies ou des résultats obtenus par la chance. Mais quand ils sont devenus plus fréquents, des gens ont commencé à dire que la société ne comprenait plus ceux qui étaient au sommet du pouvoir et n'avait pas encore suffisamment mûri pour pouvoir évaluer le travail des autorités pour le bien public. Ou bien ces mêmes personnes sombrent dans l'hystérie et declarent le résultat d'une propagande étrangère, habituellement russe".

La description des processus politiques dans les pays européens, avec les multiples déni de démocratie que l'on a connu 'comme dans le cas du résultat du référendum de 2005 sur le Traité Constitutionnel Européen)  est impeccable. Au-delà, l'analyse des mécanismes de clôture autistique de la part des élites et de leur frange médiatique, de cette nouvelle Trahison de Clercs est particulièrement juste. C'est cette clôture autistique qui, justement,a empêché ces mêmes élites de voir que ce soit le Brexit au Royaume-Uni ou l'élection de Donald Trump, et qui, après pourtant le résultat d'un vote démocratique, conduit une partie de ces mêmes élites à chercher à remettre en cause ces résultats. Nous sommes aujourd'hui en présence d'une nouvelle procession des fulminants comme l'écrivait en 2005 Frédéric Lordon.

On a, à de multiples reprises dénoncé cette clôture autistique depuis 2012 et l'on est donc nullement étonné de voir l'un des grands dirigeants de ce monde arriver au même constat. Mais le plus intéressant est l'analyse que Vladimir Poutine dresse des causes de cette situation. Cette analyse n'est certes pas nouvelle. Mais c'est sans doute la première fois qu'elle est exprimée par un responsable du rang de Vladimir Poutine. Il poursuit donc ainsi ses propos :

" Il semble que les élites ne voient pas l'approfondissement de la stratification sociale et l"érosion de la classe moyenne, tout en implantant des idées idéologiques qui, selon moi, sont destructrices de l'identité culturelle et nationale. Et, dans certains cas, dans certains pays, ils subvertiront les intérêts nationaux et renonceront à la souveraineté en échange de la faveur du suzerain. Cela pose la question qui est la frange de la société? La classe croissante de l'oligarchie supranationale et de la bureaucratie qui n'est en fait souvent pas élue et non contrôlée par la société, ou la majorité des citoyens, qui veulent des choses simples et stables, libre développement de leurs pays, des perspectives de vie pour eux et leurs enfants, la préservation de leur identité culturelle et enfin, la sécurité de base pour eux-mêmes et pour leurs proches" .

Il fait ici le lien entre l'érosion des classes moyennes et l'on peut dire plus généralement de la partie supérieure des classes populaires, qui sont aujourd'hui victimes des l'instabilité de la situation économique et de l'insécurité tant économique que matérielle ou culturelle, et la volonté de la part des élites de monnayer leur position de pouvoir envers un "suzerain" international. Ceci décrit l'opposition entre ce que l'on peut considérer comme les "élites mondialisées" (essentiellement celles de la finance et des médias) et la "souveraineté du peuple"C'est donc l'opposition des prolos contre les bobos, Parlant de la victoire du "non" au référendum de 2005, le "non" a dépassé les 60% dans le nord industriel, dans les régions industrielles de la Loire et du Centre, enfin dans les régions industrielles fragilisées du Midi. A l'inverse les couches sociales liées aux services mondialisés, à la communication et à la finance, elles ont voté "oui". Les résutats de Paris intra-muros sont clairs à cet égard.

On le voit et on le constate, le discours de Vladimir Poutine dresse un tableau important et intéressant du monde tel que le voit le Président de la Russie. Bien sûr, ce texte est important aussi parce que l'on n'y trouve pas, une critique articulée du néo-libéralisme entre autre. Mais ce discours est certainement l'analyse la plus articulée des maux dont souffrent les pays occidentaux et avec eux une large partie du monde. Ce discours n'est pas optimiste, mais Vladimir Poutine visiblement a fait sienne la maxime que Louis XIV proposait au Grand Dauphin : "Se méfier de l'espérance ; l'espoir est mauvais guide". Ce discours est cohérent, et surtout sa cohérence temporelle est importante. Voilà pourquoi on ne saurait qu'inviter tous ceux qui veulent comprendre le monde pour le transformer de le lire et de s'en imprégner.

 

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