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Santé économique et financière dans les pays occidentaux
21 novembre 2016

Poutine, de Munich ('2007) à Valdai (2016)...(2)

Poutine à Valdai  (2016)... à lire et relire

Dans une allocution à l'occasion du Forum Valdai de 2016, Vladimir Poutine a réitéré ses remarques concernant les règles de droit et les pratiques américaines. Mais, il élargit la perspective, et la situe ouvertement dans un cadre stratégique :

" Si les puissances qui aujourd'hui existent trouvent un principe ou une norme à leur avantage, ils forcent tout le monde à s'y conformer. Mêm si demain ces mêmes normes se heurtent à leur manière de faire, ils sont prompts à les jeter dans la poubelle, à les déclarer obsolètes, et à fixer ou à essayer de fixer de nouvelles règles. Ainsi, nous avons vu les décisions de lancer des attaques aériennes dans le centre de l'Europe, contre Belgrade, puis contre l'Irak, puis contre la Libye. Les opérations en Afghanistan ont également commencé sans la décision correspondante du Conseil de sécurité des Nations Unies. Dans leur désir de changer l'équilibre stratégique en leur faveur, ces pays ont brisé le cadre juridique international qui interdisait le déploiement de nouveaux systèmes de défense antimissile"

Il passe ainsi d'un problème général qui est bien identifié (la manipulation des normes) au rappel des situations concrètes. Cela lui permet de dresser une liste des griefs de la Russie envers ses partenaires occidentaux. Si le contenu politique est le même, le ton a incontestablement changé entre 2007 et 2016. En fait Poutine se présente comme un partisan de la mondialisation, mais un partisan réaliste, qui comprend que cette dernière a besoin de règles stables si elle veut se développer. il le dit dans un passage qui est en réalité antérieur à la première citation :

" Mais certains pays qui se sont vus comme les vainqueurs de la guerre froide, non qu'ils se soient simplement vus de cette façon mais en plus qu'ils l'ont ouvertement dit, se sont contentés de transformer l'ordre politique et économique global en fonction de leurs propres intérérêts. Dans leur euphorie, ils ont essentiellement abandonné l'idée d'un dialogue substantiel et à égalité avec les autres acteurs de la vie internationale, ont choisi de ne pas améliorer ou de créer des institutions universelles et ont tenté plutôt d'amener à répandre dans le monde entier, leurs propres organisations, normes et règles. Ils ont choisi la voie de la mondialisation et de la sécurité pour leurs propres intérêts, pour quelques-uns, mais pas pour tous. Mais cette position n'était pas acceptable par tous".

En fait, Poutine sous-entend que, grisé par leurs succès, ou par l'apparence de leurs succès, certains pays ( et ici ce sont essentiellement les États-Unis qu'il vise) ont abandonné le principe d'égalité de traitement qui est essentiel aux principes du droit international. C'est l'idée d'une mondialisation comme projet politique de certains,opposée à une mondialisation se réalisant au profit de tous. Si l'on peut partager le constat, et l'on a écrit que la mondialisation que la mondialisation était bien un projet politique des États-Unis, on peut cependant être plus réservé quant à la conception d'une mondialisation "pour tous"

Autrement dit, si l'on peut partager le bilan que dresse Poutine des évolutions du cadre mondial, on peut aussi douter de la réalité de cette "mondialisation pour tous" qu'il oppose à l'état des choses actuel. En réalité, si des pays autres que les États-Unis ont pu profiter de cette mondialisation ce ne fut pas en respectant les règles établies par les États-Unis. Le fait que les pays d'Asie qui connaissent la plus forte croissance ont systématiquement violé les règles de la globalisation établies et codifiées par la Banque mondiale et le FMI est souligné par Dani Rodik.

En fait, une autre voie se dessinait, mais elle se dessinait en 1944, à la fin de la guerre. Elle fut tuée par le refus des États-Unis de ratifier le traité de La Havane. La conférence de La Havane, qui se tint du 21 novembre 1947 au 24 mars 1948 avait permis la rédaction d'un texte qui établissait des règles communes à tous les pays à partir d'une logique de croissance et de lutte contre le sous-emploi. Ainsi la présence de mesures protectionnistes était-elle admise et même consolidée dans ce texte pour favoriser le développement d'industries naissantes comme matures

La Charte de La Havane fiasait obligation a ses membres de ne pas prendre de positions prédatrices, autorise des mesures de sauvegarde de la part des autres pays et définissait un processus devant conduire à des normes de travail équitables. Les règles commerciales devenaient donc clairement sur déterminées par les objectifs sociaux et économiques internes. L'article 13 reconnaissait aux Etats membres de recourir à des subventions publiques dans les domaines industriel et agricole ainsi qu'à des mesures de protection. Il faut revenir sur cet épsisode, aujourd'hui en partie oublié, pour comprendre qu'il peut y avoir des règles autres que celles faisant de la concurrence les deus ex machina de commerce mondial.

Défendre ces principes implique de défendre la souveraineté des Etats face à la volonté de domination de l'un d'entre eux que face aux grandes entreprises multinationales privées

Vladimir Poutine et la souveraineté

Cette défense de la Souveraineté des Nations, Vladimir Poutine y vient quand il évoque le rôle indépassable des Nations-Unies. Il dit a ce propos :

" Aujourd'hui, ce sont les Nations-Unies qui continuent de demeurer un organisme sans équivalent en matière de représentativité et d'universalité, un lieu unique pour un dilaogue équitable. Ses règles universelles sont nécessaires pour intégrer autant de pays que possible dans le développement économique et humanitaire, garantir leur responsabilité politiique et travailler à coordonner leurs actions tout en préservant leurs modèles de souveraineté et de développement. Il ne fait aucun doute que la souveraineté est la notion centrale de tout le système des relations internationales. Son respect et sa consolidation contribueront à assumer la paix et la stabilité aux niveaux national et international".

La reconnaissance du principe de Souveraineté est effectivement un préalable indispensable à l'établissement d'un ordre international équilibré. Il le redit d'ailleurs un peu plus bas :

"J'espère vraiment que ce sera le cas, que le monde deviendra vraiment plus multipolaire et que les points de vue de tous les acteurs de la communauté internationale seront pris en compte. Peu importe qu'un pays soit grand ou petit, il devrait y avoir des règles communes universellement acceptées qui garantissent la souveraineté et les intérêts des peuples".

Mais ce principe de la Souveraineté rentre alors en contradiction avec la vision dominante de la mondialisation qui semble impliquer des règles qui soient émises par des instances supranationales. Or l'existence de telles règles est en réalité incompatible avec le principe de Souveraineté, qui peut certes être délégué mais qui ne peut jamais être cédé. Dès lors, cela renvoie au bilan assez sombre que Vladimir Poutine dresse de la mondialisation, dont on sent bien qu'il considère qu'elle s'est engagée dans une voie erronée à la fin des années 1980 et au début des années 1990.Il le dit d'ailleurs au début de son allocution :

" Les tensions engendrées par les changements dans la distribution de l'influence économique et politique continuent de croître. La méfiance mutuelle crée un fardeau qui réduit nos possibilités de trouver des réponses efficaces aux véritables menaces et défis auxquels le monde est confronté aujourd'hui. Essentiellement, tout le projet de mondialisation est en crise aujourd'huo et en Europe, comme on le sait bien, on entend des voix pour dire maintenant que le multiculturalisme a échoué. Je pense que cette situation est à bien des égards le résultat de choix erronés. Hâtifs et, dans une certaine mesure, trop confiants des élites de certains pays il y a un quart de siècle. A cette époque, à la fin des années 1980 et au début des années 90, il y avait une chance non seulement d'accélerer le processus de mondialisation, mais aussi de lui donner une qualité différente et de la rendre plus harmonieuse et durable".

Ici encore, on peut certainement partager une large part de ce constat. Mais, ce constat est tiré en dehors de toute analyse du contexte international, et en particulier du contexte idéologique. Pour le dire en d'autres termes, il manque au discours de Poutine une critique de l'idéologie néo-libérale telle qu'elle domine les sphères intellectuelles et économiques du monde occidental dans la période qu'il décrit. Or, Poutine est-il prêt, et peut-il, rompre avec l'idéologie néo-libérale ? Non qu'il soit lui même dogmatique, bien au contraire, et il en a donné maintes preuves. Poutine est d'abord et avant tout un pragmatique. Non pas un homme sans principes, mais un homme qui ne laisse pas une idéologie, c'est-à-dire une représentation de la réalité. Mais, sa fonction l'amène à composer avec les tenants du néo-libéralisme, à chercher à ouvrir l'économie russe aux flux de capitaux,. Il y a une limite incontestable à la réflexion de Poutine qui l'empêche de pousser jusqu'à son terme la critique qu'il fait à très juste titre de la mondialisation et de l'idéologie des élites dominantes dans les pays occidentaux.

 

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