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Santé économique et financière dans les pays occidentaux
4 juin 2014

Crise de la gouvernance européenne : divorce dirigeants/peuples (2)

Pologne, Italie, quelques cas concrets de ré-aiguillage

On peut suivre assez précisément le basculement des pays dans le camp occidentaliste.

Le cas de la Pologne est emblématique. Au terme du règne très atlantiste des frères Kaczynski, l'élection de Donald Tusk, comme premier ministre en 2007 semblait signaler la sortie de la Pologne de l'ère poste-chute du Mur. Le nouveau dirigeant mène une politique résolument pro-européenne, anti-missiles américains et travaille à restaurer les liens avec la Russie...jusqu'en juillet 2008. C'est à cette date qu'il refuse pour la dernière fois l'installation d'un bouclier anti-missile que les Etats-Unis n'ont cesse de lui imposer.Car en août 2008 il capitule et déclare que "grâce au bouclier, l' Amérique et la Pologne seront en sécurité" . Quels arguments ont bien pu retouner Donald Tusk sur une position aussi capitale ? Mystère. Quoi qu'il en soit, la Pologne de M.Tusk a joué encore un rôle primordial dans l'escalade de tensions Euro-Russie.

Plus récemment, le coup d'Etat de Mattéo Renzi en Italie, véritable porte-avion de l' OTAN, assure les Etats-Unis d'une bonne coopération avec ce pays.Renzi est un homme de gauche de l'étoffe de Clinton, Blair, Schröder, Obama, Strauss-Kahn, etc..gauche acquise aux thèses néo-libérales d'inspiration anglo-saxonne, bien pratique pour passer les mesures anti-sociales qui provoquent des levées de bouclier lorsqu'elles viennent de la droite. La LSE le qualifie "d'ami de l' Amérique européiste". Une combinaison qui fait désormais frémir.

Etranges reconfigurations du gouvernement français

Encore plus récemment, le revirement à 180° de toute la politique française entamée par François Hollande est un vrai sujet d'inquiètude. La gravité pour le PS des résultats des municipales a clairement été exagérée par les médias, (mais avec le consentement du gouvernement car aucune voix ne s'est élevée à gauche pour faire remarquer que dans un contexte de crise majeure et d'impopularité chronique, la sanction pour le PS n'avait rien de très sérieux), dans le but de forcer un remaniement ministériel. On doit donc se demander dans quel intérêt ce remaniement a eu lieu et l'examen attentif des CV et de la nouvelle organisation s'impose.

Ce qui inquiète, c'est le profil très Clinton-Schröder-Blair-Obama-Renzi de Manuel Valls qui s'engage déjà en faveur de la politique de baisse des impôts, d'endettement et "d'expansionnisme" de la BCE, caractéristique de la logique FMI-Washington et contraire à la prudente doxa professée par l' Allemagne-BCE consistant à réduire l'endettement. 

Il y a ce surprenant transfert du commerce extérieur du Ministère de l' Economie au Ministère des Affaires Etrangères (dont les médias ne parle pas), qui fait sortir les questions commerciales - telles que le TTIP par exemple - du ressort de la politique nationale, permettant sans doute de mieux court-circuiter les passages obligés par l' Assemblée Nationale et renforçant les influences étrangères sur le dossier...sans compter que les Affaires Etrangères restent aux mains de Laurent Fabius dont l'atlantisme n'est pas un secret.

Le troisième point il qui chiffonne concerne le passage du Secrétariat général des affaires européennes (SGAE) sous la coupe de l' Elysée. Ce changement peut être une bonne ou mauvaise nouvelle : il sert la politique européenne de la France d'un Matignon beaucoup plus indépendant que la précédente version pour la mettre sous le contrôle direct et renforcé du chef de l' État ; mais il permet aussi aux décisions en la matière de contourner le contrôle parlementaire auquel les décisions du Premier Ministre sont soumises, contrairement à celles de la Présidence.

On voudrait court-circuiter la démocratie pour accélérer l'adoption du TTIP, par exemple, qu'on ne s'y prendrait pas autrement. En la matière, il est trop tôt pour juger si cette dernière mesure en particulier correspond à une stratégie de combat contre les pressions anticipées ou au contraire le symptôme d'une capitulation face à ces mêmes pressions.

Une Allemagne tiraillée de tous côtés.

Du côté allemand, la situation est particulièrement illisible, probablement aussi en raison du manque d'objectivité de l'interprétation que font les médias des événements. Le patron de la bundesbank actant du risque de déflation en zone euro, semblait être brutalement devenu favorable à une politique d'assouplissement quantitatif de la part de la BCE le 25 mars, pour expliquer quelques jours plus tard les différences notables entre le QE des BOE, BOJ et autre FED, et déclarait le 10 avril que le risque de déflation était en fait encore très faible...mais que, si l'euro forcit trop, il faudra recourir à de l'assouplissement...On devine des pressions énormes derrière une telle inconsistance..chez un banquier allemand de surcroît !

Schaüble, le Ministre des Finances, résiste et continue à se battre pour un renforcement du contrôle politique et démocratique de l' Euroland,préconisant la création d'un Parlement de la zone euro. Merkel en revanche, après avoir tenté d'élever sa voix contre les sanctions de la Russie, est désormais de plus en plus inaudible. Steinmeier, des Affaires Etrangères, vient quant à lui de surprendre tout le monde en déclarant devant un parterre de patrons d'entreprises résolument opposé aux sanctions contre la Russie qu'il n'était plus possible de commencer comme avant avec les Russes. Combien de temps encore l' Allemagne tiendra-t-elle ?

Peur de l'avenir et resserrement du camp occidental.

A ce stade, il nous faut comprendre quels sont les ressorts de ce qui ressemble tant à une capitulation en rase campagne des élites européennes ( fonctionnaires, politiques et journalistes). En effet, toute cette classe politico-médiatique ne peut être subitement devenus traîtraisse à la cause européenne. Elle doit donc se sentir justifiée dans sa démarche de réorientation stratégique aussi radicale. Mais quelles peuvent être ces justifications?

Les ressorts sont innombrables, mais ceux qui nous intéressent sont ceux susceptibles d'avoir convaincu le sommet de la pyramide européenne. Or, deux évolutions dont la combinaison mise en perspective peut avoir effrayé nos responsables.

Côté américain, il y a ce fameux "taper" qui marque l'échec de la politique précédente de sur-endettement et qui signalait l'enclenchement d'un processus d'explosion du dollar. Côté européen, il y a cette hantise d'une déflation qui réduirait à néant les efforts de bonne gestion des européens ces dernières années.

Ce double contexte a donné la main aux occidentalistes de Bruxelles et Washington qui ont ainsi trouvé les arguments pour convaincre de l'impérieuse nécessité d'une alliance de fer entre l' Europe et les États-Unis , alliance dont on voit malheureusement qu'elle ne peut se faire que contre le reste du monde ( un constat qui a lui seul aurait dû éliminer cette prétendue piste de solution) : vous, européens, êtes à la limite de l'explosion avec votre austérité génératrice de ralentissement et de déflation...si le dollar s'effondre, vous ne résisterez pas...unissons donc nos forces pour nous sauver ensemble !

Etablissons une vaste zone de libre échange Euro-Dollar ( ou plutôt EuroDollar-Dollar puis Dollar-Dollar, car il s'agira alors inévitablement d'un Euro partie intégrante à la zone Dollar) permettant de continuer à faire tourner les gigantesques quantité de monnaie en circulation ! Réorganisons le marché énergétique sur une logique d'autarcie au sein du camp occidental ( à coup de tracking sur tout le territoire) ! Mettons en place un monde fermé et "entre amis" , fonctionnant sur les principes connus du "monde d'avant", loin de la complexité du monde multipolaire qui nous fait perdre la main  ( ce qui est vrai pour les US mais pas pour l' Europe) et de leur concurrence déloyale !

Et en plus, nous tenons ainsi le moyen de restructurer notre dette, c'est-à-dire d'effacer notre ardoise, à bon compte. Il n'échappera à personne en effet que l' Occident contre les émergents, c'est aussi le camp des débiteurs contre le camp des créanciers. Or, qui veut noyer son chien l'accuse de la rage, et qui ne veut plus rembourser son voisin le traite d'ennemi.

 

 

 

 

 

 

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