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Santé économique et financière dans les pays occidentaux
1 avril 2014

Vers la fin du monde "unipolaire" ?

Par Alexandre Latsa (journaliste français vivant à Moscou)

La visite du président Obama a vraissemblablement confirmé l'improbable : " le mouvement géostratégique" russe pourrait initier la sortie du monde de" l'instant unipolaire qu'il connait depuis 1991" et marquer le coup d'arrêt de la domination totalitaire américaine ( politique, économique ou militaire) en Europe et en Eurasie.

A la veille de sa tournée de six jours en Europe, le président américain assurait pourtant que les sanctions contre la Russie seraient lourdes et sévères . (C'est pourquoi les Etats-Unis doivent s'employer très fortement à convaincre les plus réticents, qui sont nos trois principaux alliés commerciaux en Europe - l' Allemagne, la France et le Royaume-Uni - qu'ils "doivent" mettre leurs intérêts économiques de côté a prédit Heather Conley, du Center for Strategic and International Studies à Washington). Sa tournée devait soi-disant lui permettre de réaffirmer la totale unité de vue entre les Etats-Unis et l' Europe au sein de l' OTAN (pour le bien du monde) et par la même l'isolement de la Russie sur la scène internationale.

Cette totale unité des Etats-Unis et de l' Europe selon les règles de l' OTAN reste en réalité à sens unique et la délégation américaine n'a même pas pu contenir son mépris lors du pathétique discours du président du Conseil européen Herman Von Rompuy lors de sa conférence de presse avec le président Obama à Bruxelles..! ( Un silence plus que gênant s'est établi, sans applaudissement à la fin de cette conférence de presse..!). Si l' Europe a rarement semblé aussi désunie, il en va visiblement de même pour l'intangible partenariat euro-américain.

Barak Obama a en effet pu constater à quel point les nations européennes, à la grande différence de Bruxelles, refusent clairement et simplement le diktat américain contre la Russie. Certaines comme la Suisse ou la Finlande affirmant leur refus d'intégrer certaines personnalités russes sur les " listes américaines" pendant que d'autres, comme la France, choisissaient de poursuivre de lourds échanges économiques (et militaires) avec la Russie, comme la livraison des Mistral.

Les nations européennes n'ont aucun intérêt à se brouiller avec la Russie alors que leurs échanges économiques réciproques sont non seulement importants mais surtout croissants, comme c'est le cas pour la France, qui comme le rappelait récemment Emmanuel Quidet, président de la Chambre de commerce et d'industrie franco-russe, est devenue le " 3ème investisseur étranger en Russie (...) alors qu'elle occupait la 9ème place en 2008 ".

Si le président du Conseil européen a été littéralement humilié, le président Obama ne manque pas non plus d'humour lorsqu'il affirme que la Russie est aujourd'hui devenue une " puissance régionale en perte d'influence ". Cette image du colosse aux pieds d'argile qui accompagne la Russie depuis son retour dans les affaires du monde ne s'applique en effet certainement plus sur le plan politique comme les événements de Crimée viennent de le confirmer.

la Russie est au contraire en train de redevenir un modèle régional que les habitants de Crimée sont les premiers mais sans doute pas les derniers à reconnaître publiquement, il y a sans doute une raison à cela : la politique américaine de prise de contrôle des pays de l'ex-espace soviétique au cours de la dernière décennie s'est avéré un échec avec des effets retors prévisibles, ( c'est-à-dire la prise de pouvoir d'élites aux ordres issues des révolutions oranges ou de processus politiques plus traditionnels dans les pays voisins de la Russie a entraîné un affaiblissement et un appauvrissement de ces États ). 

Dans le même temps (depuis 2000) les élites russes ont elles mis fin à la récession économique, permis le doublement du PIB par habitant ( en monnaie constante), crée une balance des paiements courants devenue fortement excédentaire, réduit l'inflation à moins de 6% (contre 100% dans les années 90), réduit le dette publique de 90% à moins de 10% du PIB, réduit le taux de pauvreté de plus de 50%, permis la hausse des réserves de change par 48 fois, la nationalisation de 95% du secteur énergétique, la hausse des salaires dans le public par 18,5, la hausse des pensions par 12, l'arrêt de l'effondrement démographique et surtout stoppé le processus de décomposition politique et d'éclatement territorial qui guettait le pays.

Une situation inverse à celle que connaît par exemple l' Ukraine d'aujourd'hui (mais pas seulement) et les habitants de Crimée, en votant leur rattachement à la Russie, ont exprimé leur soutien à ce modèle fort. Un modèle fondé sur la réaffirmation de l'autorité de l' Etat et dans lequel les oligarques ont été mis en prison pendant qu'en Ukraine, l' Etat s'effondre alors que les oligarques sont en train d'arriver au pouvoir, que ce soit dans les régions ou au sommet de l' État, les deux candidats présidentiables, Timoshenko et Porochenko étant tous deux oligarques.

Que se passera-t-il demain si des milliers d'Ukrainiens supplémentaires, des milliers de Kazakhes, de Biélotusses eu des dizaines de milliers de Moldaves choisissent, par pragmatisme et face à des situations économiques désespérées, de vivre comme des Russes et non comme des Grecs  ?

Reparti quasi-bredouille de sa tournée européenne, le président Obama a martelé l'importance des pays baltes et de la Pologne dans le dispositif d'extension de l' OTAN sur la frontière Est de l' Europe en affirmant " qu'aujourd'hui des avions de l'OTAN patrouillent dans les cieux de la Baltique, nous avons renforcé notre présence en Pologne et nous sommes prêts à faire plus ".

De plus, cela signifie visiblement pour les stratèges US de transformer du gaz de schiste et de tenter de le vendre sous forme de gaz naturel liquéfié aux pays baltes et à la Pologne (dont la dépendance énergétique envers la Russie est aujourd'hui quasi totale) transformant ainsi les plus fidèles alliés européens de l' OTAN en relais militaro-énergétiques US au coeur du continent. Une mesure qui traduit bien l'inquiétude et l'impuissance américaine alors que les contributions de la plupart des pays d' Europe à l' OTAN sont elles en baisse.

A la veille de la création du marché transatlantique, pour lequel le président Obama a activement plaidé lors de sa visite, cette impuissance semble correspondre avec le besoin croissant de la Russie qu'expriment les nations européennes. Un besoin pour avant tout tenter de surmonter au mieux les conséquences terribles sur leurs économies de la crise financière américaine de 2008.

Assitons-nous aux prémisses d'un ...Nouvel Ordre Stratégique Mondial ?  ( par opposition au N.W.O et sa volonté d'un monde "unipolaire" )

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