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Santé économique et financière dans les pays occidentaux
16 février 2014

Accord UE-US : menaces sur la réglementation financière

Depuis 2008, les banques et leurs lobbies ont soigneusement veillé à étouffer dans l'oeuf toute tentative de réglementation forte du secteur financier. Mais la finance est désormais passé de la défensive à l'offensive : elle se mobilise pour mettre à bas les maigres avancées sur lesquelles la crise financière a débouché. les négociations transatlantiques actuellement en cours entre l' UE et les US nous en donne une illustration.

Ce n'est pas nouveau : l' Union européenne est sous l'influence des lobbies financiers. lorsque, au lendemain de la crise de 2008, la Commission européenne constitue un "groupe d'experts de haut niveau" pour la conseiller sur la régulation financière, elle fait appel, sur huit membres, à quatre "experts" issus de l'industrie financière (dont le président du groupe) : de Larosière (BNP Paribas), Rainer Masera (Lehman Brothers), otmar Issing ( Goldman Sachs) et Onno Ruding ( Citigroup). D'une manière générale, il est notoire que les groupes d'experts de la Commission sont littéralement parasités par les grandes banques.(1)

L'influence du lobby financier est manifeste dans le cadre des négociations en cours entre les Etats-Unis et l'UE pour un traité de libre-échange et d'investissement (2). avec le soutien de la Commission européenne et du gouvernement britannique, l'industrie financière souhaite remettre en cause les réglementations qui font barrière à ses activités de part et d'autres de l' atlantique quand bien même ces maigres barrières ont été érigées pour garantir un minimum de stabilité financière.

Les banques souhaitent obtenir, à travers des négociations commerciales menées dans le secret, des concessions qu'elles auraient difficilement pu obtenir auprès de leurs régulateurs et la mise en place des règles mieux à même de protéger les intérêts des investisseurs et de l'industrie financière (3). Des préoccupations qui sont présentes dans le mandat de négociation de la Commission européenne, qui appelle, d'une part, à libéraliser tous les services y compris les services financiers, de l'autre à la protection des investisseurs.

Dans le chapitre dédié aux investissements, le mandat de négociation de la Commission prévoit que l'ensemble des paiements courants et des investissements directs soient libéralisés, à quelques exception près. Cela signifierait la remise en cause de tout contrôle des capitaux et de contrôle sur les paiements de biens et services, de dividendes et surtout sur les sommes considérables associées aux services finanicers. Cela alors même que le FMI et la Banque Mondiale commencent à reconnaître que le contrôle des capitaux peut jouer un rôle important pour lutter contre la spéculation et l'effet destabilisateur des flux de capitaux y compris à destination des paradis fiscaux.

Les banques appellent de leurs voeux la mise en oeuvre d'un principe de "reconnaissance mutuelle entre les normes des Etats-Unis et de l'UE, qui pourrait permettre aux banques de bénéficier des normes les moins contraignantes de part et d'autre de l' Atlantique. Une mesure qui, de fait, ruinerait par avance les efforts pour mettre en place des réglementations contraignantes, les banques pouvant opter pour les règles leur étant le plus favorables.

Enfin, à travers le mécanisme de réglement des différends prévu dans le traité transatlantique, les banques pourraient porter plainte contre un Etat dont les réglementations seraient trop strictes et attenteraient à de potentiels profits. Et outre les attaques sur les régulations existantes, les lobbyes financiers souhaiteraient voir acter une véritable assurance-vie contre la régulation, sous le terme "discipline réglementaire". Il s'agirait ici :

- d'inclure des règles qui limiteraient le montant et l'ampleur des réglementations financières pour favoriser les flux financiers transatlantique (4)

- d'inclure une clause de "transparence réglementaire", qui imposerait pour toute nouvelle régulation de consulter les "parties prenantes" ( c'est-à-dire l'industrie financière) afin qu'elles puissent donner leur avis ( en quelque sorte une reconnaissance officelle du lobbying de l'industrie financière) .

- d'untiliser le principe de "liste négative" pour définir les services financiers qui seront libéralisés : c'est-à-dire d'établir unr liste de services qui ne seront pas dérégulés, tous les autres y compris toutes les "innovations financières" ayant vocation à être libéralisés. Un autre moyen de leir, à l'avance, les poings des régulateurs.

Un aspect des négociations transatlantiques, déjà peu médiatisées, a été passé sous silence dans les médias français : au début des négociations, en juillet 2013, l'administration Obama a refusé d'inclure dans les négociations " l'harmonisation des services financiers" , à la grande fureur de Wall Street des banques européennes et même de la Commission européenne.

La sénatrice Elisabeth Warren, membre du comité aux affaires financières du Sénat américain, a déclaré " il y a des rumeurs qui courent sur les efforts des multinationales financières pour faire passer, à travers les accords de commerce, ce qu'elles ne pourraient obtenir au vu et au su de tous" (5)

Pour Earl Blumenauer, le traité transatlantique pourrait devenir " une porte dérobée pour défaire (...) les nouvelles normes financières" introduites après la crise financière pour remettre en place un minimum de contrôle public sur des banques devenues dangereuses pour la société. (6)

Qui sait si l'administration Obama ne sera pas amenée, sous la pression du secteur financier, à revenir sur sa position ? il n'est pas impossible qu'elle marchande, avec la Commission, l'inclusion dans les négociations de "l'hamonisation des services financiers" en échange d'une contrepartie dont il est certain que les européens paienront cher le prix. Pour éviter toute mauvaise surprise, la meilleure chose à faire reste sans doute de se mobiliser dès aujourd'hui afin de s'assurer que le traité transatlantique, nuisible à bien d'autres titres, ne voit pas le jour.

(1) Lire le rapport de l'Alliance pour la transparence du lobbying : http://www.alter-eu.org/document/2

(2) article sur le traité transatlantique : http://desdessousdebruxelles.ellynn.fr

(3) http;//www.sifma.org/newroom/2013/

(4) http;//www.esf.be/new/wp-content/up

(5) http://www.bloomberg.com/news/2013

(6)http://www.nytimes.com/2013/05/01

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